Pour ceux qui sont pressés, ceux qui ne veulent pas se perdre dans les méandres du conte, ceux qui ont peur de quitter les sentiers et de dériver dans les ronces...

 

Les carnets de route d'Evanescence

 

 

" Fermez la bouche, que vos oreilles entendent, l'histoire arrive, déjà elle s'approche, déjà elle est ici, et parle avec ma voix. "

 

 

Une veillée au coin du feu

 

" Lorsque le premier bébé rit pour la première fois,
son rire se brisa en un million de morceaux,
et ils sautèrent un peu partout. Ce fut l'origine des fées. "
Peter Pan, James Barrie

 

Dans la cheminée un feu brûlait. Son joyeux crépitement animait la pièce silencieuse. Les flammes faisaient briller les yeux d'une petite fille assise au pied de l'âtre, qui le regardait comme hypnotisée par cette lumière vivante. Les joues rouges pour être trop restée près du feu, elle avait les cheveux défaits et ils s'étalaient sur son dos. Elle fut tirée de sa rêverie lorsque sa grand-mère lui demanda de se reculer.

" - Il faut que je prépare le poêlon pour faire griller les châtaignes et tu pourrais te brûler si tu restes trop près.

- C'est si joli un feu et si triste à la fois!

- Pourquoi penses-tu cela ?

- Je trouve ça joli parce que les couleurs sont belles, mais il meurt à chaque fois ! Ce que je préfère c'est le rougeoiement des braises, c'est si lumineux au début ! Et puis ça finit par s'éteindre au bout de quelques temps... Il y a un mot pour dire ça grand-mère ? "

Dans un murmure la grand-mère prononça : " Evanescence " . Elle demeura un instant les yeux dans le vague comme si elle se remémorait un vieux, très vieux souvenir qu'elle avait gardé dans le secret de son coeur.

" - Evanescence, reprit la petite fille. C'est joli ce mot, ça désigne la lumière qui s'éteint doucement? C'est ça ? "

La grand-mère, sortie de son rêve, appela sa petite fille :

" - Eä, écoute, je vais te raconter une histoire...

 

Une rencontre inattendue

 

" Les fées nous échappent. Elles sont radieuses,
et on ne peut pas les saisir, et, ce qu'on ne peut
pas avoir on l'aime éternellement. "
Jules Renard

 

…un beau jour ma mère qui voulait faire une tarte pour mon anniversaire, m'envoya cueillir des fraises des bois dans la forêt de Brocéliande. A l'époque j'étais jeune et svelte, je passais mes journées à découvrir les merveilles de cette forêt dont je connaissais les moindres recoins. Les yeux bandés je pouvais retrouver mon chemin, m'orientant grâce aux arbres et aux menhirs. Ce matin là je sus donc où trouver les meilleurs fruits. Je me rendis dans une petite clairière où les rayons de soleil venaient doucement caresser le sol recouvert de mousse et de fraises des plus vermeilles.

Alors que je me penchai pour en ramasser quelques unes, un battement d'ailes chatouilla le creux de ma main, tel un papillon. Délicatement je retirai ma main du petit buisson et vis apparaître... une fée ! Les ailes du petit être, recouvertes de perles de rosée et telles celles d'une libellule, étaient d'une couleur des plus douces. Je ne saurais te la décrire mais l'image que j'en ai gardé est celle de la couleur du reflet de la lumière dans une bulle de savon. Ses yeux rappelaient les tons printaniers et ses cheveux, semblables à des fils de soie, reflétaient les chaudes couleurs estivales. Soudain elle m'interpella pour me faire sortir de mes pensées.

" - Eh, ça va là haut, tu m'entends ? "

Le son de sa voix, bien que difficilement perceptible, m'atteignit et je lui répondis, confuse.

" - Bon-bonjour, qui êtes-vous ?

- Je t'en supplie, ne me vouvoie pas ! Moi c'est Evanescence. Ne fais pas cette tête enfin, je ne te veux aucun mal !

- Mais, mais, d'où venez, pardon d'où viens-tu ?

- Je reviens tout juste d'un long périple à travers l'Europe, durant lequel j'ai rencontré de nombreux amis du Petit Peuple. "

Complètement abasourdie par ce qui était en train de m'arriver, ne le réalisant pas, pour tout te dire, je m'intéressai à elle et lui demandai qui étaient les amis en question. Elle accepta sans hésitation et elle escalada mon bras pour parvenir à mon épaule où elle s'immobilisa pour me conter le récit de ses aventures.

 

Depuis le beau royaume de France...

 

" Les fées font leur lessive dans une bulle de savon
et cuisent leur soupe sur un feu follet. "
Béatrix Beck

 

Evanescence commença alors son récit…

" Je vivais depuis toujours dans le Poitou, et m'amusai ce jour-là avec les Farfadets, qui sont les cousins des Fadets. Mais je ne connaissais pas beaucoup ceux-ci parce qu'ils vivent cachés dans les grottes. Au contraire, les Farfadets aiment le grand air et les champs de lavande ! Nous jouions donc eux et moi à lutiner les bergers, lorsqu'une hirondelle atterrit au milieu des moutons. Autour de son cou, elle m'apportait un message du roi des fées : Oberon. Il me chargeait d'une mission importante : recenser tous les lutins et toutes les fées d'Europe !

Je me préparai à partir sans plus tarder, et décidai de commencer mon périple par une visite à mon amie Mélusine. Mélusine est une Serpe, une fée qui se transforme en serpent un jour par semaine. Ce sont des fées bâtisseuses, qui vivent dans des châteaux ou dans les édifices qu'elles ont bâtis. Mélusine me recommanda de partir vers la Sologne et la Franche-Comté en premier. Mais je devais me dépêcher, et choisir un moyen de locomotion sûr, car nous étions en décembre, et la Guillaneu sillonnait les campagnes sur son cheval sans queue ni tête. Par chance, l'hirondelle qui m'avait apporté le message du roi accepta de me transporter sur son dos jusqu'à une forêt.

Je pénétrai dans celle-ci et m'aventurai dans les sous-bois en prenant garde à ce qu'aucune épine ne déchire mes ailes. Cela m'occupait tellement que je ne guettais plus les petits signes qui auraient pu me dévoiler une présence… Soudain, alors que je folâtrai dans une clairière, une sorte de boule d'herbe bondit devant moi et m'emprisonna de ses liens ! Je criai à l'aide, me débattis, mais rien n'y fit, j'étais belle et bien prisonnière ! Je gisais à même le sol depuis un trop long moment, lorsque je vis s'approcher une fée coquette et tout à fait adorable. Elle se pencha sur moi et murmura une formule magique en battant des ailes. Mes liens se défirent d'un coup, et ma sauveuse éclata d'un rire cristallin : " Vous avez été prise au piège de la Tourmentine ! Elle aime égarer les promeneurs et les priver de tout mouvement… vous avez de la chance que je vous aie trouvée ! Je me présente : je suis la Parisette "

J'eut aimé lui répondre, mais j'étais transie par ce séjour à terre en plein hiver. Les petites fées comme moi prennent vite froid ! Je ne put qu'éternuer, et répandre des paillettes autour de moi. Voyant que je grelottais, la Parisette s'inquiéta : je semblais véritablement malade. Elle me fit part de ses peurs et décida d'avoir recours au meilleur des remèdes pour me soigner : aller chercher une Tisanière. Ces bonnes fées connaissent la vertu et l'usage de chaque plante mais, hélas, elles sont devenues très rares. Heureusement, la Parisette connaissait chaque recoin de la forêt et nous en trouvâmes rapidement une. Elle me prépara une décoction dont elle ne voulut pas me révéler le secret, et dès que je l'eut avalé (non sans me brûler la langue d'ailleurs) je bondis sur mes pieds : j'étais de nouveau d'attaque pour la suite de mon voyage !

En essayant de quitter la forêt, je rencontrai de belles jeunes filles blondes qui jouaient dans une clairière. Elles s'éveillaient du long sommeil glacé dans lequel l'Hiver les avait retenues prisonnières, et le faisait fuir par leurs rires. Elles semaient le printemps et faisaient renaître la nature : elles étaient les Reines de mai.

Je sortis enfin de la forêt. Un renard voulut bien me prendre avec lui, et nous voyagions en suivant les routes. Par une nuit de pleine lune, je distinguai à un carrefour une forme blanche qui m'intrigua. Je sautais du dos de mon renard et me dirigeai vers elle. Ce que j'avais aperçu était en fait une Dame Blanche : elle s'arrêta discuter avec moi. Cette fée était affligée de la peur que les gens avaient d'elle. En effet, beaucoup la confondaient avec ses cousines anglaises, les Weird Ladies, qui hantent les lieux de leur trépas et sont annonciatrices de malheurs. Elle, était simplement une fée bienveillante des campagnes ! Ce n'était pas d'elle qu'il fallait être effrayé, mais plutôt des Dames Noires, qui sont Weird Ladies devenues mauvaises. Elles hantent la chambre la plus froide des sombres manoirs inaccessibles et, perverses, tourmentent les malheureux qui croisent leur chemin.

J'apprisà la Dame Blanche l'ordre de ma mission et elle me proposa de m'aider en me faisant rencontrer une amie : une Margot la fée. Celle-ci, solide paysanne, rustique mais belle, accepta de me présenter la Féerie et le Petit Peuple des campagnes françaises. Margot était une danseuse, aimait la vie et ses joies les plus simples. Elle veillait sur les foyers, les fermes… De nature généreuse, il ne fallait cependant pas que je lui joue de tour car elle savait se venger.

Margot m'accueillit avec chaleur et commença par me prévenir contre la Beuffénie qui effraie les voyageurs la nuit. Pire encore était la Marse qui aime à se métamorphoser. Cette fée déchue vit entre les rocher mais je n'avais pas à m'inquiéter, car elle n'attire à elle que les hommes, qu'elle épuise toute la nuit. Quant à la Vouivre, cette splendide femme se baigne nue le soir dans les eaux vertes et claires, mais sa forme originelle est celle d'un serpent ailé sur le front duquel est incrusté un rubis étincelant. Cependant, Margot connaissait aussi des fées plus gentilles, comme la Trotte-Vieille qui récompense les bambins qui ont été sages mais dévore les polissons. Elle était absorbée par ses récits lorsqu'elle se leva tout d'un coup.

" Que se passe t-il ? " demandai-je. " Une femme dans un foyer que je protège est sur le point d'enfanter ! Viens avec moi, nous allons réveiller les Bonnes Dames " me répondit Margot. Les Bonnes Dames sont des fées marraines qui décident du destin de l'enfant. Certaines vivent jusque dans la forêt de Brocéliande, sous le hêtre de Pontus. J'allai donc avec elles assister à la naissance de l'enfant à qui elles accordèrent plusieurs dons. Elle me racontèrent qu'elles avaient toujours peur que de mauvaises fées ou de méchants lutins comme les Changelins viennent échanger leurs propres rejetons contre les nouveau-nés des humains. Il est alors très difficile de procéder à l'échange inverse et de redonner le nourrisson à sa famille…

Le jour suivant, fatiguée par ma nuit, je me reposais au milieu d'un champ, dsans la paille. Je somnolais dans à l'ombre des épis de blés lorsque qu'une petite voix aigüe me réveilla : " Qui es-tu ? Que fais-tu ici ? Tu es chez moi ! " entendis-je. J'ouvris les yeux et découvris un lutin étrange qui me semblait à mi-chemin entre le Farfadet et le bouc. Il m'apprit qu'il était en fait le descendant à la fois d'un Caraquin, effectivement cousin des Farfadets, et d'une chèvre, et qu'on le nommait le Faudoux. " Je ne veux pas que tu restes là ! Cria t-il. C'est mon quartier, et je veux pouvoir déranger les moissonneurs en paix ! " Quand je lui racontai mon histoire il me répondit que je pouvais descendre vers le sud pour rencontrer Alûti, qui aime les chevaux mais gifle de sa main de fer les importuns. Effrayée, je refusai d'y aller, et sifflai un étourneau qui volait au-dessus de nous.

Il m'amena en direction du nord-est et me déposa sur une colline de laquelle des chants parvenaient à mes oreilles. Je m'approchai intriguée, et découvrit de petites fées (quoique plus grandes que moi !) qui dansaient en rond sous la lune mais semblaient très lasses. Quand je les interrogeai, elles me répondirent simplement qu'elles étaient des Sauvageons mais qu'elles ne pouvaient pas m'héberger. Mon étourneau me reprit sur son dos et voleta vers un village en contrebas. Il se posa dans l'ouverture d'une lucarne.

J'entrai dans le grenier, et découvrit une foule de joyeux lutins qui dînaient et m'accueillirent à bras ouverts. Ce n'étaient pas n'importe lesquels, c'étaient les VRAIS Lutins, les seuls et uniques, revendiquant leur nom ! " Nous vivons ici depuis une centaine d'hivers, me contèrent-ils. Toute la maison est nôtre, de la cave au grenier, sans oublier les vieilles armoires, les tiroirs, le buffet et tous les placards ! Pour l'instant, une paix est établie entre les propriétaires et nous… mais cela ne va pas durer, ajouta coquin, leur chef. Aucun Lutin ne peut résister à la tentation de voler des boutons, ni de tout changer de place dans les placards ! Les humains qui habitent ici sont trop grands et trop lourds pour nous attraper, nous sommes insaisissables et vifs comme l'éclair ! " Ses yeux malicieux s'assombrirent toutefois lorsqu'il évoqua ses ennemis : les Gobelins, qui vivent dans les égoûts. Cousins éloignés, ils sont eux réellement mauvais, méchant et sournois, et n'hésitent pas à nuire. Cependant la maison regorgeait également d'amis, comme le Piot-Chan, qui vivait dans le jardin, et même les souris.

Justement, l'une d'entre elles s'apprêtait à partir en vacances chez son frère le mulot et me proposa fort gracieusement de me transporter. Trotti trotta, et nous voilà parties ! Chemin faisant, la souricette me parla d'une de ses semblables, qu'on appelait la Petite Souris, ou Tooth Fairy en Angleterre. Cette fée-souris recueille la nuit les dents de laits des enfants sages, et les échange contre de petites pièces de monnaie.

Nous arrivâmes bientôt devant un manoir qui avait dû être magnifique mais malheureusement était dans l'abandon le plus total. Aussitôt enthousiasmée, je décidai d'explorer le bâtiment, et trouvai en haut de la plus haute tour un petit être mélancolique… Ce lutin, le Lorialet, évoquait Pierrot la lune. Poète et musicien, il connaissait les méandres du passé et les secrets de l'avenir. Cependant, lui qu'on surnommait le Lunatique, était fort peu loquace, et vite ennuyée en sa compagnie, je partis à la découverte du reste du manoir.

Soudain, des rires clairs surgirent de la bibliothèque et je voletai dans cette direction. Deux enfants jouaient dans la pièce, surveillé de loin par une belle dame vêtue de gris. Elle me dit être une Dame Grise, une Dame du Puits, et vivre dans cette bibliothèque de laquelle elle protégeait les enfants, comme ses sœurs qui occupent les greniers ou les chemins creux.

Très cultivée, elle me conta les légendes des Féetauds, ces hommes-fés vivant sur les îles, dans des châteaux, en plein cœur du Royaume des Fées qui les retiennent parfois captifs dans des éclats de miroirs… Je les connaissais de nom mais je ne sais toujours pas s'ils existent vraiment, car ils font part avec l'inaccessible, et galopent sur le vent de l'imaginaire… La Dame Grise me parla aussi des Femmes Sages, ou Femmes Sauvages, qui se cachent dans des châteaux de cristal invisibles aux yeux des humains, et qui exaucent les souhaits des mortels en leur faisant dons d'objets magiques ; et les Ondines, ces sirènes des sources et rivières qui entraînent au fond de l'eau puis tuent ceux qui osent les approcher.

Elle me recommanda de visiter les pays celtiques, foyers de légendes, qui regorgent de lutins.

 

De Brocéliande aux Highlands :

Au coeur de la légende

 

" Il se tient tout entier hors de l'écume, et ;
s'il y a à l'horizon des navires en détresse,
blême dans l'ombre, la face éclairée de la lueur
d'un vague sourire, l'air fou et terrible, il danse. "

 

Le mot "celtique "pénétra dans mon esprit comme une bulle de savon qui éclate en un millier de reflets, et réveilla une multitude de petits souvenirs qui dormaient en moi…

" - Brocéliande… la Bretagne… la Cornouailles… le Pays de Galles… les Highlands, murmurai-je. Combien de fois ne les ai-je pas parcouru en rêve ! On raconte qu'ils sont le cœur de la Féerie, entourés de brume, et impossibles à atteindre pour ceux qui n'y croient pas.

- Aujourd'hui, tu dois y aller, et là-bas mes conseils ne te seront pas d'une grande utilité : jamais je ne les ai traversés, répondit la Dame Grise. Mais n'aies crainte ! Je vais t'aider à trouver comment y aller. "

Quelques heures plus tard, j'étais confortablement installée sur le dos d'un épervier, et en me retournant, j'aperçus au-dessous la pâle silhouette de la Dame Grise, qui me faisait des signaux d'adieu depuis la fenêtre de la bibliothèque. Peu à peu, le manoir s'estompait derrière nous, et lorsqu'il ne fut plus qu'une ombre, je tournai mon regard vers l'horizon, non sans appréhension : nous allions en
Bretagne !

Après plusieurs heures de voyage, l'épervier me déposa à l'orée d'une forêt. j'aperçus une fontaine et me dirigeai vers elle pour me désaltérer, lorsque je vis un lutin assis sur le rebord. Mon cœur fit un bond, car je ne m'y attendais pas !

" - Bonjour ! Je m'appelle Evanescence, chuchotai-je.
- Je vois que tu es une fée. Moi je suis un Lutik ! Tu n'as pas l'air de venir de Bretagne, je suppose que tu ne me connais pas… Que viens-tu faire ici ?
- Je suis Poitevine, j'ai effectué un voyage à travers toute la France, je cherche des lutins et des fées, répondis-je.
- Je n'aime pas voyager, la Bretagne est si belle qu'elle me suffit ! Mais j'accompagne parfois certains humains toute leur vie. "
Tout d'un coup, sans prévenir, il disparut de ma vue en un clin d'œil, et je me retrouvai seule avec moi-même.

Je décidai donc de m'éloigner de la forêt, et comme une hermine passai devant moi, elle me prit sur son dos, et nous nous enfonçâmes dans les landes bretonnes. La nuit commençai à tomber, et les ajoncs se distinguaient à peine de la nuit… Nous passâmes devant un ancien lavoir, et j'entendis chanter : deux jeunes femmes étaient penchées sur l'eau. Elles ne me virent pas mais je les entendis discuter :
" - Il n'y a plus beaucoup de passants qui nous importunent, et nous n'avons plus aucun promeneurs à interpeller, se lamentait la première.
- Et pourtant, il reste beaucoup d'âmes à blanchir ! " répondit l'autre.
Intriguée, j'allai vers le lavoir, et me penchai vers l'eau entre elles deux pour admirer le reflet de la pleine lune. Elle aperçurent alors le mien, si petit était-il, et se relevèrent pour me regarder. A mes questions, elles répondirent qu'elles étaient les Lavandières de la nuit et qu'elles aidaient les pécheurs à expier leur fautes. Elles me mirent ensuite en garde contre une ogresse qui hantait les marais de l'autre côté des landes :
" La Groac'h a prend peut-être l'aspect d'une très belle jeune fille pour attirer les passants, mais c'est un monstre cruel et affamé qui dévore tous les humains. Surtout ne t'approche pas des marais ! "

Je suivis leurs conseils, et toujours à dos d'hermine m'enfonçai plus profondément dans les landes, en direction de la mer. Soudain, j'aperçus dans la nuit la lueur d'un feu qui projetait son ombre sur un dolmen. Je me dirigeai vers elle, et me cachai derrière le dolmen pour observer le spectacle qui s'offrait à moi : une farandole de lutins grimaçant et ricaneurs aux oreilles pointues dansait autour du feu en
chantant :
" Lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi ; lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi … "

Amusée, je rentrai dans leur cercle et continuai :
" samedi, dimanche, et la semaine est finie ! "

Ils arrèrent tous de chanter aussitôt et me regardèrent étonnés :
" - Il y a fort longtemps que quelqu'un n'avait pas osé danser et chanter avec nous ! Merci d'avoir trouvé la fin de notre comptine ! Que pouvons-nous faire pour toi petite fée ?
- Me dire qui vous êtes, et me parler de vos cousins, car je souhaiterais connaître tout le Petit Peuple de ce pays !
- " Un pays, - non, ce sont des côtes brisées de la dure Bretagne : Penmarc'h, Toul-Infern, Poul-dahut, Stang-an-Ankou… Des noms barbares hurlés pas les rafales, roulés sous les lames sourdes, cassés dans les brisants et perdus en chair de poule sur les marais… Des noms qui ont des voix.
Là, sous le ciel neutre, la tourmente est chez elle : le calme est un deuil.
Là, c'est l'étang plombé qui gît sur la cité d'Ys, la Sodome noyée.
Là, c'est la Baie-des-Trépassés où, des profondeurs reviennent les os des naufragés frapper aux portes des cabanes pour quêter un linceul ; et le Raz-de-Sein, couturé de courants que jamais homme n'a passé sans peur ou mal.
Là naissent et meurent des êtres couleur de roc , patients comme des éternels, rendant par hoquets une langue pauvre, presque éteinte, qui ne sait rire ni pleurer… "
, récita un de ces hideux lutins.
Ces lignes sont de Tristan Corbière, et si tu les comprends, tu seras en mesure de nous comprendre, de comprendre la Bretagne.
Maintenant seulement tu vas pouvoir entendre ce que tu nous as demandé…

- Bien, bien, bien…, commença le plus vieux d'entre eux.
Nous faisons partie du grand peuple des Korrigans, qui domine toute la Bretagne, de la lisière des bois sombres au milieu des landes désertes, maître de richesses et de trésors jamais découverts.
Ici, tous nous craignent et nous évitent : personne n'ose traverser les landes la nuit, car nous, les Korils règnons sur la bruyère et les ajoncs, et si par hasard un humain croise notre cercle, il devra danser avec nous toute la nuit jusqu'à l'épuisement, à moins que comme toi, il n'ose finir notre chanson !
Nos cousins, les Kornikaned habitent les bois, les Poulpikans hantent les mares et les marécages, et enfin, les Teuz sont des génies domestiques : ils acceptent quelques fois d'aider les humains, si ceux-ci placent tous les soirs un bol de lait et un peu de pain à leur attention devant la cheminée.
Mait'Jean et le Boudik s'occupent des chevaux, mais si le premier aime tresser leur crinière, le second les emmêle !
Les Hoppers sont des lutins appeleurs qui égare les promeneurs, comme le Tan-Noz qui prend l'apparence d'un feu follet pour attirer les passants vers les marécages.
Mourioche est le roi de la métamorphose et tue tous les promeneurs qui l'aperçoivent, on l'apparente souvent à la Bête Blanche qui est postée à l'angle des carrefours.
Les gens d'ici nous nomment tous les Bugale an noz, les " Enfants de la nuit ", et je ne t'ai cité que les plus connus d'entre nous.
Mais nous ne sommes pas seuls : les côtes déchirées et la mer abritent bien d'autres êtres…
Les Mari-Morgans de l'ile d'Ouessant nous ressemblent vaguement, mais ils vivent sous la mer, et s'habillent d'algues et de coquillages. Ils aident les pêcheurs et les naufragés, alors que le Tud-Gommon de Tréguier provoque les tempêtes et dévore les malheureux qui tambent à la mer. Les Bolbiguéandets habitent aussi sur les rivages, ils retrouvent les objets perdus. Nicole, de Saint-Brieux, joue des tours aux marins en emmêlant les fils de pêche ou en soulevant les ancres.
Enfin, sur l'Ile de Batz, et sur les bords de la Rance, vivent ceux qui ont quitté les royaumes des Fées. Ce sont les Fions, anciens domestiques, les Folgoats, qui étaient les messagers, et les Fois qui étaient écuyers. On trouve encore quelques Jetins, qui n'étaient au service des Fées que de temps en temps et qui ont arrachés les pierres du sol pour les planter. "

La nuit commençait à s'éclaircir, et le Koril dut abréger son récit. Il me conseilla juste de passer par la Cornouailles et le Pays de Galles avant d'aller en Irlande.

Je pris donc congé de mes hôtes et un goéland me porta jusqu'à un port des Côtes d'Armor. Il se posa sur la proue d'un navire qui faisait voile vers la Cornouailles, et je sautai sur le pont. La traversée fut très pénible, car je dus rester cachée sous un filet pendant une semaine !

Je traversai la Cornouailles assez rapidement, et ne croisai dans la campagne que quelques fées : les Browneys. Cette rencontre me ravit pourtant, car elles me ressemblaient beaucoup ! Toutes petites, elles vivent près des ruches et protègent les abeilles. Quand je leur fis part de mon étonnement face au peu de lutins dans cette région, l'une d'elle s'exclama :
" - Tu n'as pas vu de Pixies ! Par où as-tu bien pu passer ?
- Je ne me suis pas beaucoup arrêtée depuis que j'ai débarqué à Plymouth, leur expliquai-je. Je voyage avec une petite mésange, et elle est très pressée d'arriver au Pays de Galles où elle doit rejoindre ses cousines ! Nous ne faisons halte que dans des champs comme celui-ci…
- … et donc tu n'as pas rencontré de Pixies : ils ne vivent pas dans les champs mais dans les landes, où il n'y a pas beaucoup d'arbres pour ta mésange ! Ces lutins de la bruyère s'abritent parfois aussi dans des granges, et alors ils turlupinent les humains. Les Pixies sont très malins et très vifs, mais nous les évitons car ils nous agacent avec leurs farces continuelles ! Un jour, l'un d'entre eux m'a raconté qu'il était allé dans ton pays, et qu'il avait rencontré ses cousins, il me semble qu'on les appelle les Lutins, me confia la petite Browney.
- Je les connais ! Ils m'ont hébergé une nuit… "

La mésange qui me transportait virevoltait sans relâche autour de nous, et ses sifflements aigus me priaient de quitter mes amies au plus vite. Je dus donc les quitter le cœur triste, et nous repartîmes pour le Pays de Galles.

Les cousines de la mésange habitaient près de Cardiff, et elle me déposa près d'une mine que je décidai de visiter par curiosité, même si j'étais très effrayée à l'idée de me salir avec le charbon. j'aperçus des petits charriots posés sur des rails qui traversaient la mine et je me perchai sur l'un d'eux. Plus je m'enfonçai dans les ténèbres, plus le chariot prenait de la vitesse ! Je me cramponnai au rebord dans les virages, etfermai les yeux dans les accélérations ! Le parcours était rythmé par les coups de pioches des mineurs et tout d'un coup j'entendis un hurlement sinistre suivi de quelques cris : " Le Coblynau est là ! " Losqu'enfin le chariot ressortit de l'autre côté de la mine, je me dépêchai de sauter à terre, et je dus m'asseoir quelques minutes, car la tête me tournait, et j'étais morte de peur ! Heureusement, je n'avais pas croisé l'esprit qui semblait hanté la mine, ce Coblynau…

Je continuai mon voyage cachée dans un train qui fit une halte près d'un lac. Je désirai me rafraîchir dans l'eau mais lorsque je me penchai sur le lac, je distinguai dans ses profondeurs un passage vers un palais de cristal invisible aux hommes. Je le traversai et découvrit à l'intérieur de délicates jeunes femmes, les Tylwyth Teg. Nous fîmes connaissance, mais elles eurent à peine le temps de me dire qu'elles avaient des cousines, les Fenetles qui rêvaient encore du grand amour, que déjà le train sifflait le signal du départ à la surface. J'eus juste le temps de voleter jusqu'à celle-ci, et déjà, je repartis pour une traversée du Pays de Galles jusqu'à Liverpool. Là, je m'embarquai dans un bateau de pêche en partance pour l'Irlande.

Le bateau effectua un détour par l'île de Man pour commercer quelques jours. J'en profitai pour visiter l'île, et près d'une rivière je rencontrai une belle fée, la Leanan Shee. Elle me dit qu'elle était la source d'inspiration des poètes de l'île, mais qu'elle ruinait le corps et l'âme des hommes qu'elle séduisait. C'est pourquoi les artistes de l'île de Man meurent vite…

Après ce détour par le nord, le bateau repartit en direction de Dublin. Je retrouvai ma place de prédilection et m'assis encore une fois sur la proue ! Pendant cette traversée de la Mer d'Iralnde, nous fûmes accompagnés un moment par des Selkies, des sirènes qui prennent l'apparence de phoques lorsqu'elles s'échouent sur les rivages. Les pêcheurs ne les virent pas car elles échappaient toujours à leur yeux, mais si elle les avaient aimé, ils auraient été entraînés avec elles dans les profondeurs de la mer. Soudain, elles disparurent, et un pêcheur poussa un cri en tendant le bras : une sirène que je ne connaissait pas apparut à la surface.
" La Masgugue ! s'exclama le pêcheur. Il faut réduire la voilure, une tempête arrive !"
A ses cris, je me descendit de la proue en vitesse et me réfugiai dans une cabine. Je me rappelai alors des paroles d'une des Selkies : " Les Merrows sont les sirènes qui créent les tempêtes, et la Masgugue les annonce. "

Je ne te cache pas que j'eus très peur pendant le reste de la traversée, ballotée de part et d'autre de la cabine par le roulis, trop petite pour résister aux mouvements du bateau.

Quand nous arrivâmes enfin à Dublin, je me dissimulai dans le sac d'un des pêcheurs qui se dirigea en connaisseur vers une auberge qui faisait également office de pub. L'ambiance était fort bruyante, et le whiskey et la bière coulaient à flot !

Je descendit dans la cave avec l'espoir de trouver un endroit calme et éventuellement quelque chose à manger, mais lorque j'arrivai en bas, l'ambiance était encore plus débauchée que dans la grande salle !

De nombreux lutins étaient attablés, un jeu de carte dans la main et une chope de bière devant eux ! Certains étaient même juchés en haut des tonneaux de whiskey et chantaient à tue tête ! Je dus me planter au milieu de la table et crier le plus fort possible pour me présenter, et alors un concert de voix me lança de joyeux
" Bonjour ! "

Tous se présentèrent à moi : les Cluricaunes habitaient l'auberge, et c'étaient même eux qui avaient donné le secret de la fabrication du whiskey qui faisait sa réputation aux humains qui la tenaient. Ce soir était un soir de fête, parce que leur cousins Léprechauns avaient quitté les haies et les talus pour leur rendre une petite visite. En plus, les Fanfrelons étaient sortis de leur mines pour dépenser leur paye de la semaine dans le pub. Il y avait même quelques Cluricaunes émigrés aux Etats-Unis qui étaient de retour pour la semaine !

Pour fêter ma venue, les Léprechauns rangèrent leurs pipes et leurs cartes, sortirent leurs violons et entonnèrent des refrains entraînants. Je me joignai donc à la fête et dansai avec un jeune Léprechaun appelé Sammy O'Brian. C'était un rouquin au visage tout constellé de tâches de rousseurs qui me fit tournoyer en rythme. Tout le monde était debout sur les tables et claquait des mains ! Je m'amusai comme une folle !

Le lendemain, j'étais éreintée mais je ne pus m'empêcher de passer la journée à chanter les chansons de la veille ! Je m'apprêtai partir pour continuer mon voyage, mais les Cluricaunes m'invitèrent à passer une autre soirée avec eux, et je dois avouer que je ne refusai pas ! Cette fois, ils me contèrent les anciennes légendes irlandaises, comme celle de la fée Ana qui voulut construire un pont entre l'Irlande et l'Ecosse, ou celle des Daoine Sidhes qui font partie du Royaume des Fées. Elles sont fières et courageuses, et vivent encore selon les anciennes traditions chevaleresques. Ils me parlèrent aussi des Lurikeens, des Cluricaunes errants qui vivent dans la misère, mélancoliques et fous.

Les Léprechauns de la famille O'Brian devaient rentrer chez eux retrouver leurs petites soeurs, et Sammy me proposa de m'emmener avec eux. Après une joyeuse fête d'adieu organisée par les habitants de l'auberge, nous quittâmes Dublin.

En chemin, Sammy me parla des autres lutins irlandais : " Regarde, Evanescence ! tu vois le poney noir, là-bas ? "
Effectivement, un petit poney effronté était traquillement en train de brouter les belles fleurs d'un jardin !
" Ce n'est pas un vrai poney, me dit Sammy, c'est le Fougre. Il descend d'un essaim d'Esprits des Hargnes et d'une Sidhe des bruyères… Tu peux imaginer que ça lui a donné un très mauvais caractère ! Il y a quelqu'un qui lui ressemble : le Phooka. Il apparaît lui aussi sous la forme d'un cheval égaré. Il vit dans les landes et se creuse des trous pour dormir. Il est très capricieux, et aussi fou et cruel ! Je trouve qu'il ressemble à ce breton dont tu m'as parlé, Mourioche… "
Puis Sammy se lança dans une imitation du Phooka qui désarçonne celui qui essaye de le monter et cabriola dans tous les sens : j'éclatai de rire !
" Les seuls autres lutins irlandais que je connais bien sont les Shefro, il sont nomades, et jouent des tours à tous les chrétiens ! "conclut Sammy lorqu'il eut cessé ses folles pirouettes.

J'étais très heureuse avec les Léprechauns, et j'eut du mal à les quitter, mais je devais absolument continuer mon voyage… Je passai donc une semaine magnifique avec eux, puis je leur fis mes adieu les larmes au bord des yeux, et je m'envolai vers l'Ecosse.

J'arrivai dans les Highlands, et m'installai dans un château en ruine qui dominait un lac sombre et profond d'où se détachaient des lambeaux de brume. Tout autour, s'étendaient les forêts de sapins noirs. Je me réfugiai dans ce qui avait dû être une chambre, pour passer la nuit, quand soudain un hurlement retentit et me glaça le cœur. Une jeune femme entra en coup de vent dans la pièce et se jeta sur le lit en sanglotant. Je me risquai à lui demander ce qui se passait.
" Je suis la Banshie de ce château. J'annonçait les malheurs à ses habitant et mes cris sont chargés de tous le désespoir qu'ils ont pu connaître. Mais ils sont tous morts, et aujourd'hui j'erre dans les ruines ou sur les anciens champs de bataille en me remémorant le temps où les Ecossais étaient un peuple libre, fier et sauvage qui osait défier la couronne d'Angleterre sans peur. Il reste encore quelqu'uns de mes semblables masculins en Irlande, ce sont les Fear Sidhs. "

Je passai la nuit avec elle mais dès que je le pus, je sortis faire le tour du château. Je découvris derrière une bandes de lutins qui m'accueillit.
" - Nous sommes les Brownies, les lutins les plus répandus en Ecosse, mais aussi les plus gentils, se vantèrent-ils. Certains d'entre nous vivent dans les Iles Shetland, d'autres dans les Iles Orcades, et certains se sont même installés au Pays de Galles et en Irlande ! Si tu te promènes à côté du lac, tu verras un de nos cousin, un Urisk solitaire qui aide parfois les hommes qui ne lui sont d'ailleurs pas reconnaissants. Nous, nous inspirons les poètes qui nous croisent leurs de leur promenades dans les montagnes.
Au fait, tu n'es pas montée dans la tour du manoir ?
- Non, pourquoi, je devrais ?
- Surtout pas ! s'exclamèrent-ils tous. Il reste encore quelques Red Caps, les "Bonnets Rouges !"
- Ils ne sont pas gentils ?
- Tu veux rire ? Leur bonnets sont rouges du sang de leurs victimes, et ils te tueraient s'ils te voyaient ! "

Horrifiée, je ne désirai pas rester plus longtemps en Ecosse ! Je demandai à un aigle de me porter jusqu'à Edimbourg.


A travers la toundra

 

" ... l'être qui participe aux puissances des profondeurs souterraines :
en y rêvant, on s'accorde à l'irrationalité des profondeurs. "
Gaston Bachelard

 

Je me faufilai dans les cales d'un bateau traversant la Mer du Nord, d'Edimbourg à la Norvège. Je parcourai Oslo mais la ville, trop agitée à mon goût, ne me permit pas de trouver un lieu calme. De fait je m'évadai dans les campagnes où j'aperçus une petite chapelle abandonnée au cœur d'un bois. J'en fus ravie, c'était tout ce dont j'avais besoin ! J'y entrai mais… malheur ! Il régnait dans cette chapelle un désordre inimaginable. Les bancs étaient sans dessus dessous, les statues brisées sur le sol, et des inscriptions indescriptibles recouvraient les murs de pierre. Bien qu'étant surprise de l'état des lieux je me trouvai une petite place et commençai à me reposer. Cela ne faisait pas dix secondes que j'étais assise quand j'entendis des ricanements derrière moi. Je sursautai puis me retournai : rien. La scène se répéta maintes fois, jusqu'à ce que je compris que la chapelle était peuplée de Church Grims, ces lutins norvégiens qu'on retrouve aussi en Angleterre, et qui se plaisent à semer la zizanie dans les lieux religieux. Plutôt effrayée je sortis sans attendre. Il se faisait déjà tard, la nuit tombait et il me fallait trouver un endroit où manger et passer la nuit car il était hors de question de me creuser un igloo dans les fjords !

Après quelques minutes à dos de lièvre, je vis au loin la cheminée d'une maison, d'où s'échappait de la fumée. Un feu devait pétiller dans le foyer. En m'approchant, des odeurs de nourriture vinrent chatouiller mes narines, ce qui me poussa à demander l'hospitalité ! Je frappai et c'est par surprise que ma vieille amie la fée Valas m'ouvrit. Je ne l'avais plus vue depuis des années mais j'avais su par d'autres fées qu'elle était devenue fée du berceau. On parla d'elle il y a quelques temps, car elle avait sauvé de nombreux bébés volés par les fées Laumes, et qu'elle veillait de son mieux sur les nouveaux-nés. Elle me pria d'entrer et de prendre part à la petite fête qui était en train de se dérouler. La maison était parfaitement tenue, d'où ma remarque :

" - Dis moi, quelle propreté et quel ordre !

- Tu sais c'est grâce à mes amis lutins les Nisses ainsi qu'à leurs cousins, les Tomtes. Ils se plaisent à m'aider à effectuer les tâches domestiques et, lorsque tout est fait, nous faisons la fête ! "

Mon amie m'expliqua en fait que les Tomtes étaient d'excellents nettoyeurs mais aussi de très bons danseurs. Tous les soirs, des musiciens incomparables venaient mettre de l'ambiance après la journée de travail, les Nokkes. Ces nains jouaient de joyeux airs sur lesquels les Tomtes avaient l'habitude de danser en ronde. Ainsi se passa la soirée, dans la joie et la bonne humeur. Je m'endormis sur un coussin en soie, tout près de la cheminée, et y passai la nuit.

Le lendemain matin, je prévus de continuer mon périple en passant par la Suède. Il faisait un froid glacial donc je dus imaginer un moyen de transport " réchauffant " afin que mes ailes n'en souffrent pas trop. Pour cela je me cachai sous l'aile d'un gros oiseau tel que je n'en avais jamais vu, où il faisait bon vivre ! Ainsi je survolai la Norvège, enneigée de part et d'autre, jusqu'en Suède. Je ne savais bien évidemment pas ce qui allait m'arriver mais ce dont j'étais sûre c'est que je devais encore m'attendre à bien d'autres rencontres, heureuses ou dangereuses… Le gros oiseau se posa sur des rochers, en montagne, et c'est très discrètement que je m'extirpai de son plumage pour partir découvrir les paysages suédois. Je voletai pendant quelques minutes puis aperçus une sorte de grotte creusée dans la paroi rocheuse. En curieuse, j'y entrai et m'y enfonçai. Un bruit insoutenable me perçait les tympans mais je poursuivis mon exploration jusqu'à découvrir une mine de pierres précieuses. Une lanterne éclairait la petite grotte mais sa lumière faisait scintiller les joyaux de mille feux.

- " Tu veux un collier, serti de pierres, c'est ça ? entendis-je. Eh bien tu n'en auras pas, tralala ! "

Le sournois se montra… Il était laid, à tel point qu'il aurait pu remporter n'importe quel concours de laideur. Agacée par ses ricanements je lui demandai quand même d'où il venait, lui qui était si laid dans ce lieu secret si merveilleux.

- " Quoi ? Ai-je bien entendu ? As-tu dit laid ? Si tu me connaissais tu saurais que ma plus grande qualité est la susceptibilité donc ne tache pas de reprononcer ce mot. Je suis le Nain, de l'espèce des nains, et sache que je règne sur les métaux et les pierres précieuses. Avec mes compatriotes nous sommes à la fois forgerons et orfèvre, c'est nous qui réalisons les armes des plus grands dieux qui soient, au plus profonds de nos habitations souterraines et secrètes. Maintenant va-t-en et ne dis rien sur cette grotte. "

A ces mots je ne me sentis pas très fière et prise de peur je m'échappai sans commentaire.

J'avais donc raison : en arrivant en Suède, je n'étais pas au bout de mes aventures. A peine sortie de cette grotte je fus de nouveau maltraitée par des nains et des lutins diaboliques. Je me suis donc demandée s'il existait encore des êtres bienveillants ! Posée dans une petite dépression de la roche à l'abri du vent, au sommet d'une montagne, je fus soudain entourée par des nains géants, difformes et puants à des kilomètres à la ronde, qui se présentèrent à moi sans que je le leur avais demandé.

" - Nous on est des Trolls. Et toi, t'es un fée c'est ça ? Hum… Pas si terrible que ça, pas terrible du tout même, dit l'un.

- Plutôt d'accord avec toi, pas si terrible que ça " rétorqua un autre Troll.

Ces ignobles paroles me firent éclater en sanglots et je m'apprêtai à quitter mon refuge quand d'autres nains arrivèrent à leur tour.

" - Pas si vite ma jolie, tu ne vas quand même pas nous quitter si tôt, tu viens à peine d'arriver. Tu ne veux donc pas faire plus ample connaissance avec nous ? " , me demanda un des nains, arrivant vers moi. Cette espèce de nains, avec celle des Trolls, est une espèce répugnante qui a une très mauvaise réputation en Suède et qui est appelée les Dvegars. Personne ne sut me dire exactement pour quelles raisons les Trolls et les Dvegars étaient si dépréciés, mais ma simple rencontre avec eux m'en dit déjà beaucoup quant à leur malveillance.

Je montai alors sur le dos d'une grande oie blanche, de la même famille que celle qui avait transporté Nils Holgerson quand un Niss l'évait réduit à une taille minuscule, et ensemble, nous nous envolâmes vers d'autres destinations glaciales...

 

Dans le grand froid

 

" Cette divinité, et bien d'autres encore,
ont hanté mes années d'enfance. "
Herman Hesse

 

Ainsi, après avoir surmonté maintes péripéties en Scandinavie, j'arrivai au pays des Ougro-Finnois, entre la Carolie et la Finlande.

Pour me rafraîchir un tant soit peu, je m'approchai d'une rivière, mais avant que je n'ai pu prendre la moindre gouttelette d'eau, un être inconnu vint me tirer violemment dans l'eau. Je criai, me débattis, essayait de me décrocher des bras de cet ingrat personnage, jusqu'à ce qu'un lutin arrive à mon secours. Ce dernier me sortit d'affaire et m'emmena au plus profond de la rivière. Nous arrivâmes dans un somptueux château où je commençai à reprendre mes esprits. Mon sauveur me rassura.

" - Ton agresseur n'est rien d'autre qu'un lutin malfaisant que tous les membres du Petit Peuple de la région appellent le Kul. Il agit principalement dans les lacs, les rivières et les eaux profondes. Il a certainement voulu te noyer mais j'ai entendu tes cris. "

Sa voix réconfortante me permit de me sentir en sécurité et je lui demandai son identité qu'il ne m'avait toujours pas révélée.

" - Je suis le Nakki, également lutin des eaux. Avec ma famille nous avons l'habitude de ne sortir de notre demeure qu'au moment du lever et du coucher du soleil. Cependant le Kul fait tellement de ravages que je suis sans cesse obligé de remonter à la surface pour sauver les victimes. "

Tant d'émotion me firent oublier de rejoindre la terre ferme. Je discutai longuement avec le Nakki, puis, désirant continuer mon voyage, je lui demandai conseil quant à la sûreté des fermes des environs.

- " Tu ne devrais pas demander l'hospitalité dans les hameaux de la contrée. Il existe des lutins, les Bjära, qui prétendent faire prospérer les fermes mais qui en fait volent dans les unes pour apporter la sérénité dans les autres. "

Je dois dire que je ne prenai guère en considération son avertissement et rien ne put m'empêcher de quitter son château immergé. Je remontai à la surface grâce à un léger battement d'ailes puis je m'envolai vers la ferme la plus proche. Il faisait nuit et je n'étais que très peu rassurée quand, voletant, un lutin m'attrapa et m'enferma dans ses mains. De l'intérieur il avait de gros doigts, avec de gros ongles sales et crochus qui dégageaient une odeur nauséabonde. Doucement, tout doucement, il écarta ses deux pouces pour voir quelle créature je pouvais bien être. j'aperçus dans l'ombre son gros nez, sa grosse bouche…et ses grosses dents quand il me sourit d'un air sournois en se léchant les babines et en prononçant tout bas :

- " Tu me servirais bien de dîner…hum…chair fraîche tu me donnes faim !

-Mais qui es-tu et que me veux-tu ? lui répondis-je.

-Tu n'as donc jamais entendu parlé de moi… intéressant, tu ne sais donc pas ce qui t'attend, ah, ah ah ! Je m'appelle le Kul, et lorsque je ne trouve rien pour m'alimenter je deviens redoutable… Tu vois… Je chasse, j'attrape ce que je trouve appétissant… "

Cette fois je compris la situation. Mon sauveur de la rivière m'avait bien parlé d'un lutin diabolique appelé le Kul, mais il avait oublié de mentionner le fait qu'en plus d'être un voleur, le Kul était un ogre. J'étais sur le point de servir de plat de résistance, j'étais effrayée dans les mains de l'odieux personnage mais, par miracle, je trouvai une solution. Bon nombre de personnes sont chatouilleuses du creux des mains, alors je fis quelques battements d'ailes tout contre sa peau et… il poussa un cri et me rejeta en l'air sans s'en rendre compte. J'avais par chance trouvé un de ses points faibles, ce qui m'autorisa à redevenir libre. Toujours en quête vers une ferme proche, mais épuisée par les événements de la journée, je me posai finalement sur un nuage où Nukku-Matti, le Marchand de Sable Ougro-Finnois vint délicatement refermer mes paupières alourdies par la fatigue.

Je me laissai dériver sur son nuage quelques jours, bercé par des rêves de bonheur, et arrivai enfin en Russie...


Union du Rêve Surréaliste des Slaves

 

" Quelqu'un de mice dans l'herbe passe
au hasard, tu l'as sans doute rencontré. "
Emily Dickinson

 

Je descendis du nuage en apercevant un hameau au milieu de la steppe russe, ou je décidai de passer la nuit.

Le temps était glacial et je rentrai dans la cour de la première ferme du village. Une étable et une écurie encadraient le corps principal qui semblait être l'habitation des propriétaires. Je me dépêchai de pénétrer dans l'étable, le bâtiment le plus proche de la route, pour me protéger du vent froid et mordant.

Je m'apprêtais à m'allonger dans la paille quand un lutin bondit de derrière les vaches et se campa devant moi.

" Hors de là Sorcière ! " , s'écria-t-il.

Rapidement, je voletai me réfugier sur la plus haute poutre de la charpente pour éviter la fourche qu'il brandissait. Je lui criai mon nom et les raisons de ma présence. Il héla alors ce qu'il appelait un Niéjit et qui sortit de la paille, puis lui prenant les mains il le contraint à danser une farandole en chantant :

" Je suis le Bagan, je suis le Bagan
Sors, sors dans le grand froid qui mord
Je suis le Bagan, je suis le Bagan "

Soudain, il disparut aussi vivement qu'un éclair, pour réapparaître à mes côtés sur la poutre. Il m'observa de la tête au pied et constatant la véracité de mes ailes, il entonna sur le même air :

" C'est bon, c'est bon, je te crois
C'est bon, c'est bon, tu peux rester là "

Il me demanda de lui raconter mon histoire, puis exténuée par mon voyage, j'allai m'étendre sur la paille et je m'endormis.

Au matin en m'éveillant, je constatai que le Bagan avait disparu, mais j'aperçus le Niéjit un brin de paille entre les dents, qui s'apprêtait à renouveler le fourrage des bêtes.

Il me dit :
" L'grand patron l'est pas là. L'est dans la maison. C'est L'Domovoï son nom et y pourrait ben te renseigner si tu veux "

Voir le " Grand Patron " pouvait être intéressant pour ma quête. Malheureusement, celui-ci avait trop de travail et ne put pas me recevoir. Ce fut donc sa femme, la Kikimora qui me renseigna dans un premier temps. Son époux dirigeait les autres lutins de la maison et était très attaché au foyer qu'il habitait. Elle, aidait les ménagères de la ferme en s'occupant de la volaille et de la vaisselle.

" Le Pessaias et le Kurkis, son cousin, protègent les animaux domestiques, m'apprit-elle. Hovimmik et Vasily sont les génies de l'écurie et soignent donc les chevaux. Mais tu apprendras toutes ces choses bien mieux si elles viennent de la bouche de mon compagnon. Lui saura te parler de notre peuple, de la Russie à la lointaine Pologne. Repose toi, visite la ferme, si tu veux, en l'attendant. Et peut être désires-tu te laver après le voyage que tu as fait ? Suis moi, je vais te montrer la salle de bain, mais prend garde au Bannik si tu vas dans le sauna : c'est un être pervers et vicieux. Et surtout, n'aies pas peur si une fée traverse rapidement une des pièces où tu te trouves. C'est la Krimba, la fée qui nous aide. "

Après ma toilette, j'eus la possibilité de survoler la steppe à dos d'aigle. La splendeur des étendues qui défilaient sous moi était vraiment à couper le souffle. En bas, j'apercevais des meutes de loups qui parcouraient la steppe sans relâche. Il n'y avait presque pas d'habitations, et très peu de routes menaient au village où j'étais accueillie.

Quand je rentrai à la ferme, il était déjà l'heure de passer à table et je me dépêchai pour ne pas retarder mes hôtes qui m'attendaient.

Pendant le repas, offert par les humains en remerciements des services rendus par les lutins, la discussion fut animée, mais quand nous nous retirâmes près du feu, tout le monde fit silence et attendit que le Domovoï prenne la parole. Celui-ci paraissait plongé dans de très anciens souvenirs et lorsqu'il parla enfin, ses mots évoquaient en nos cœurs le grand vent du Nord, les vieilles isbas et les forêts immenses. Il nous parla de la fée Aitvana qui convertit les paysans au christianisme, de la Babouchka qui distribue à Noël les cadeaux aux enfants et des Ielles des Carpates qui du fond des vieilles tombes et des arbres creux influencent le temps et les récoltes. Le Domovoï évoqua également la fée Smégurochka qui annonce le retour du printemps, et les Boginka qui tètent les dormeurs pour haleter les nourrissons abandonnés.

Mon hôte s'interrompit un instant pour ranimer le feu. Lorsqu'il reprit le cours de son récit, il nous décrit le Dikonk, lutin vagabond qui dort à la belle étoile et protège les cultures alors que son cousin le Polévik se révolte contre les machines qui commencent à remplacer les moissonneurs et vole son travail. C'est pourquoi il attaque les femmes dans les champs pour se venger.

Aussi mauvais et dangereux : le Léchy de la forêt égare les promeneurs, tandis que le Vodianoï avec sa compagne la Roussalka vivent dans l'eau et noient les filles et les enfants.

Enfin, le chef de la demeure nous conta qu'il existait, en Tchécoslovaquie, les Venusleute des collines, des êtres très jolis, mais aussi très timides si bien qu'ils n'osent pas appeler les hommes et aident seulement les enfants.


Si les Germains m'étaient contés...

 

" - 3 coups, c'est un Knocker !
- 24 coups, c'est un Wichtlein ! "

 

Je passai quelques jours avec mes chaleureux hôtes, participant à ma mesure à leur tâches quotidiennes. Mais il me fallait songer à faire mes adieux. Leur sympathie envers moi était si grande qu'un renne fut mit à ma disposition pour mon voyage et je partis donc vers l'Est après les avoir chaleureusement remerciés. Le vent des steppes était glacial, mais je me protégeai de sa morsure en me cachant dans l'encolure de ma monture.

Après une dizaine de jours de trotte, j'arrivai dans une nouvelle terre où le vent était beaucoup moins froid. Je laissa donc le renne retourner à pied et je continuai ma quête à tire d'aile.

En apercevant une petite rivière, je décidai de me reposer sur son rivage.
Assise sur un nénuphar, les pieds dans l'eau, j'aperçus soudain une superbe jeune femme toute de vert vêtue. Je ne comprenais pas pourquoi elle jouait sans cesse avec ses cheveux d'un air aguichant. Elle laissa négligemment tomber son mouchoir à l'eau, et à cet instant je découvris sur l'autre rive un pêcheur qui se jeta aussitôt à l'eau avec l'intention de le ramasser. Le voyant se démener avec ridicule et disgrâce, la belle éclata d'un rire moqueur, plongea à son tour et disparut dans l'onde tourbillonnante. Le pêcheur, déconfit, jura : " Garce de Dame Verte ! ". Devant son air pataud, je ne pus m'empêcher de m'esclaffer gaiement.

Mais les éclats de mon rire détachèrent le nénuphar et je me laissai glisser au fil de l'eau. La petite rivière rejoignit bientôt une plus grande qui à son tour se jeta dans un fleuve que je devinais être le Rhin...

A mon arrivée, je fus accueillie par des sirènes qui bondissaient devant moi telles des dauphins précédant un navire. Elles se présentèrent comme des Nixes accompagnées de quelques-unes unes de leurs cousines, les Tiffenotes, plus coquines et moqueuses, et qui aimaient éclabousser les pêcheurs mais qui ne m'accompagnèrent pas plus loin que la Lorraine. Elles étaient toutes des cousines des Merrows irlandaises. Les Nixes me suivirent tout le long de mon périple sur le Rhin, mais me conseillèrent de ne pas aller jusqu'au Pays Bas : " Même si dans la mer tu rencontrerais nos belles cousines les Monluzermes qui vivent dans de magnifiques palais sous l'eau, cela t'obligerait à passer par un port où règne Kludde, Osschort et Roeschaard, trois mauvais esprits qui hantentles bouges des ports et sont plus méchants que facétieux. "

Je m'arrêtai donc dans les Flandres où je fis la connaissance d'un Kabouter et d'un Sotê, deux nains dont l'un vit dans les montagnes et réalise toute sorte de travaux pour aider les hommes, et l'autre, un peu plus fainéant, n'aide que les ménagères.

Je discutais avec eux, quand soudain un grand vent se leva et je fus enlevée par une bourrasque. Mes petites ailes ne furent d'aucune utilité pour lutter contre le vent. Après quelques vains efforts, je m'assis sur un nuage et me laissai emporter par un courant ascendant.

Quelques jours plus tard, j'atterris au sommet d'une montagne dans les Alpes. Je me croyais perdue et complètement seule lorsque je découvris qu'une Dame Bleue, Vierge des Glaces, était assise sur la plus haute pierre. Splendide et glaciale, elle regardait l'horizon. Sa pureté n'avait d'égale que sa beauté. Malgré les apparences, elle se révéla très amicale et me parla des autres fées des montagnes ainsi que de son rôle :
"- J'aime planter des fleurs et soigner les chamois, mais je protège surtout les chalets des avalanches. Mais ne t'avise de me confondre avec la Dame Rouge qui punit les enfants et pousse des cris plaintifs, ne cessant de se lamenter.
- Et connaissez-vous d'autres fées ?
- Bien sûr ! Il y a Dame Holle, la fée des neiges, notre doyenne. Une très vieille et très respectable femme qui a le désordre en horreur. Elle récompense les enfants à Noël, tout comme Tante Arie d'ailleurs, mais celle-ci vient du Jura alors que Dame Holle est allemande. J'ai aussi entendu parler d'une Puck dans la lointaine Angleterre, à ne pas confondre avec le Puck de Shakespeare dans Songe d'une nuit d'été. La Puck annonce le retour du printemps elfique et est très pétillante. Une fois encore, on m'a parlé des Fileuses de nuit. Beaucoup de contes pour enfants les nomment les Fées Marraines car elles sont présentes le jour du baptême de leur filleul(e) et le protègent toute sa vie.. Elles encouragent les travailleurs et punissent les paresseux.
Enfin, la plus dangereuse de toute est Fraü Gaude. Elle s'installe dans les foyers d'un Noël à l'autre et rôde avec ses affreux chiens effrayant tout le monde.
Mon savoir sur mes semblables s'arrête ici car je ne rencontre que peu de monde sur ces sommets. Mais cela m'a fait plaisir de te parler. Si tu le souhaites, je peux demander à un chamois de te promener dans la montagne, peut-être rencontreras-tu d'autres peuples, qui sait ? "

J'acceptai son invitation et la remerciai. Elle siffla une petite mélodie et un magnifique chamois au pelage doré arriva sautant de pierres en pierres avec agilité.
Il s'appelait Vergoldet ce qui signifie "doré" en allemand. Il me fit découvrir une petite partie du massif alpin.

Alors que nous escaladions un pic inaccessible pour un simple humain, j'entendis un bruit presque inaudible, comme une sorte de cliquetis de montre mais qui semblait venir... de l'intérieur de la montagne ! Je descendis de Vergoldet et tentai de me rapprocher de l'endroit d'où semblait venir le bruit, quand je chutai dans un trou à peine plus large que la plus petite branche d'un chêne, et que je n'avais pas vu parce qu'il était recouvert d'une fine couche de glace. J'atterris fort heureusement sur un monticule de ressorts et je découvris alors une gigantesque machine, qui semblait occuper tout l'intérieur de la montagne au point qu'on n'en pouvait voir le bout. De l'intérieur, le bruit était presque assourdissant et je voyais tous les balanciers s'agiter avec frénésie, les aiguilles de ses multiples cadrans tourner à différentes allures. Je me mis en quête de trouver les créateurs de cette mécanique. Derrière quelques rouages, je croisai un être qui semblai effectuer quelques réparations et qui grommelait, ses opérations sur la machines ne semblant pas fonctionner.
" - Excusez-moi de vous déranger, mais j'aimerais savoir qui aconstruit cet engin ?
- Cet engin, comme vous dîtes, est une horloge. La meilleure qui existe au monde. Et j'ai participé à son élaboration, me répondit-il l'air pincé.
- Désolée, je ne voulais pas vous vexer. Mais de quelle espèce êtes-vous ?
-Décidément, vous êtes bien ignorante, jeune fée. Je sui un Klok's Tomte. Horloger, pour être plus précis, mais je suppose que vous aviez au moins deviné cela. "

Ce lutin m'impressionnait vraiment, mais je pris mon courage à deux mains pour lui expliquer que j'étais envoyée en mission pour parcourir l'Europe et référencer tous les peuples de la Féerie

Il sembla alors s'adoucir et me dit
" - C'est normal, après tout, si vous ne nous connaissez pas. Nous sommes très occupés par nos créations d'orfèvrerie, d'horlogerie ou de mécanique (qui dépassent l'entendement humain bien sur), et nous sortons peu de sous nos montagnes. D'ailleurs, nous conservons toutes nos inventions, rien ne sort de cet endroit.
- Vous voulez dire qu'il n'y a aucun moyens de sortir d'ici ? lui demandai-je un peu inquiète.
- Malheureusement pour vous pas pour le moment, mais nous mettons actuellement au point une machine qui permet de se déplacer dans un autre endroit, puisse-t-il être de cette montagne. Vous pourrez donc nous aider à l'expérimenter, dit-il en se frottant les mains. Rassurez-vous, tous nos appareils ont très bien fonctionné, jusqu'à présent. Mais suivez moi je vais vous donner quelque chose à manger, vous devez sûrement avoir faim. "

Il m'emmena alors dans une petite pièce où brûlait un feu de cheminée. Je m'assis dans un fauteuil très confortable tandis qu'il me préparait un thé.
" - Je vais vous dire ce que je sais à propos des lutins germaniques, si cela peut vous aider dans votre quête, dit-il en m'apportant une assiette de biscuits au chocolat.
Je vais commencer par ceux qui peuplent les foyers :
Tout d'abord, il y a les Bermaennleins. Ils réalisent tous types de travaux pour aider les hommes. Ils sont vraiment différents de nous, ils n'ont pas peur du contact avec les humains et le recherchent même.
Puis il y a les nains de Blanche-Neige, qui existent réellement, comme tous les personnages de contes de fées. Leur vrai nom est Bergleute. Ils travaillent les diamants dans des mines. Et comme dans le récit, ils sont très jovials et généreux.
Les Heinzelmännchen demandent de la nourriture en échange des services rendus dans le foyer des humains. Un peu comme les Hojemaennels qui s'occupent du jardin et le protègent.
Les Koboldes qui sont de la même famille que les Gobelins et les Gremlins passent pour des êtres maléfiques mais en réalité ils protègent le foyer.
Et il y a le Sotré, qui n'est pas vraiment féroce mais très colérique et très effronté. Mais pire encore en terme de taquineries, existent les Spunkies : se sont de petits pickpockets qui détroussent gendarmes et curés, et qui vivent en Angleterre.
Enfin, méfie-toi des Nutons car ils saccagent les bois du Sôte parce qu'ils sont jaloux de son entente avec les hommes dont ils sont eux les souffres-douleur.

D'autres lutins préfèrent vivre dans les mines ou les montagnes comme nous.
Par exemple, les Boublin belges et leurs cousins les Knockers allemands préviennent des chutes de pierres. Un peu comme les Gnomes qui sont puissants et aident les hommes.
Les Erdluitles recherchent davantage la tranquillité et le recueillement. Ils sont très savant car ils passent leur temps à observer les phénomènes de la nature. Ils sont donc pacifiques.
Il y a aussi les Quiet Folk, forgerons ou artisans. Ils sont un peu magiciens et fabriquent des filtres. Ils sont bons avec les personnes qui le méritent mais aussi très mauvais avec les méchants.
Enfin, il y a les Nichets, qui eux se contentent d'extraire du Nickel dans le Luxembourg.
Mais prend garde aux Witchleins ! Ils sont sombres et malfaisants, provoquant des effondrements dans les mines et jouant de très méchants tours.
D'autres lutins préfèrent vivre dans des endroits moins classiques comme les cimetières, les églises. Par exemple, les Croqueurs d'os, qui nettoyaient les champs de batailles. Ils se nourrissent exclusivement de cadavres et hantent les ténèbres. "

Il interrompit alors son discours et resta assis tenant sa tasse entre ses deux mains comme s'il les réchauffait. Un autre Klok's Tomte entra et lui demanda de l'aide, pour l'horloge. Il me dit de rester et de l'attendre un moment.

Mais je m'assoupis dans le fauteuil. Lorsque je me réveillai, je constatai qu'on avait mis une couverture sur moi et qu'un petit déjeuner avait été préparé à mon intention.

Je sortis du petit salon en quête du Klok's Tomte qui m'avait accueilli. Je déambulais autour de l'impressionnant mécanisme. Quand je reconnus sa voix qui m'interpellait
" - Enfin réveillée, jeune fée ! Vous tombez bien, nous venons de finir les dernières mises au point de la machine déplaçante. Vous n'avez aucune peur à avoir. Y a-t-il un endroit particulier où vous désirez aller ? "

Sans cesser de parler et il me poussait en même temps vers une sorte de grande plateforme à laquel était suspendue une grande cloche de verre. Un mécanisme était fixé au pied de la plate forme et au sommet de la coupole en verre.
" - L'Angleterre ça vous plairait de visiter ? Ils sont un peu comme nous vous savez. Un peu germain.
- Heu oui, pourquoi pas, m'entendis-je murmurer. Mais vous êtes sûr que ça marche? Je veux dire : il n'y a pas de risque ?
- Aucun, ça n'est jamais arrivé jusqu'à présent alors pourquoi ça commencerait !"

La cloche se referma sur moi. Je voyais ses rouages s'activer de plus en plus vite et de la fumée apparut tout autour si bien que je ne pus voir mes hôtes qui s'affairaient et semblaient un tantinet inquiet.

Puis, je me sentis comme aspirée de l'intérieur. Je m'accroupis et mis mes mains au-dessus de ma tête dans un réflexe de protection.

Lorsque tout sembla s'être calmé, je jetais un coup d'oeil.
Incroyable !! J'étais dans une verte campagne au sommet d'une petite colline. La Puck avait bien fait son travail, car je sentais un air de printemps venir.
Je descendis de la colline et suivit le petit chemin qui la contournait. Au bout d'un quart d'heure de voletage environ, je trouvai une borne kilométrique qui m'indiquait que j'étais à 2 miles de la commune de Stratford-Upon-Avon. J'étais donc en Angleterre.

Je poursuivis ma route et croisai bientôt celle d'un Klabber du nom de Clocking. Il se rendait également à Stratford et nous fîmes donc la route ensemble. Il rentrait dans son foyer après avoir moulu le grain du village voisin et balayé le moulin. Il avait eu en récompense de ses services une tarte au pommes qu'il partagea avec moi.
En arrivant en ville, il me fit entrer dans une maison par la gouttière. En arrivant sur le toit, il souleva une tuile et nous entrâmes dans le grenier. Clocking se dirigea vers un vieux coffre à jouets, et en frappa 5 petits coups bref comme un signal. Le coffre s'ouvrit et un lutin en sortit d'un bond agile.

" - Salut Clocking ! Comment vas-tu ? Oh mais je vois que tu m'amènes de la compagnie. Je me présente : Bogie Beast, génie de l'enfance à votre service. Que puis-je faire pour vous, damoiselle fée ? Créer un cauchemar pour un enfant vilain ou le rêve en récompense d'une bonne action ?
- Je préfèrerai que vous m'indiquiez où je pourrais voir d'autres représentants des espèces de la Féerie en Angleterre. Si vous n'y voyez pas d'inconvénients.
- Aucun damoiselle fée...
- Je m'appelle Evanescence, l'interrompis-je.
- Quel prénom superbe et qui vous va à ravir ! Si vous voulez bien me suivre, je vais vous montrer quelque chose qui devrait vous plaire. "

Il m'emmena à l'étage inférieur de la maison. Alors que nous étions cachés dans le porte parapluie, il me dit de ne pas faire de bruit et d'attendre quelques instants.
Effectivement quelques minutes plus tard, je vis la porte d'entrée s'ouvrir et un petit lutin entra dans la demeure avec précaution comme s'il ne souhaitait pas se faire surprendre, il avança de quelques pas prudent et sortit de sa poche quelques pièces de monnaie qu'il fit tinter par terre et il détala à toute vitesse.

Encore éberluée de la rencontre que je venais de faire, je sortis du porte-parapluies et demanda :
" - Qu'est-ce que c'était ? Pourquoi a-t-il fait cela ?
- C'est un Ferier, me répondit le Bogie Beast. Ils déposent un peud'argent aux hommes qui en ont besoin. Mais il ne veut pas se faire prendre. L'argent, il l'obtient de Robin Goodfellow, l'esprit de Robin des Bois, qui a inspiré la légende. Mais suivez-moi, je vais vous montrer quelque chose d'autre "

Nous sortîmes de la maison et suivant la route, il m'emmena dans une église. A l'intérieur, l'ambiance était très feutrée et quelques fidèles priaient. Le Bogie me fit signe de ne pas faire de bruit mais de bien écouter. En me concentrant, j'entendis de petits ricanements autour de moi. Puis, je vis des cierges tomber par terre, sans raisons apparentes. Le curé accouru les ramasser et grommela : " Saleté de Chuch Grims. Ils n'ont aucun respect pour les prières. " En haut de la colonne qui était près l'endroit où se tenait le prêtre, je vis un affreux lutin, accroché à une gargouille, qui fit une horrible grimace au curé, puis sauta et courut se cacher derrière une statue. Je n'étais pas trop étonnée, car tu te rappeles, j'avais déjà rencontré d'autres Church Grims, plus méchants encore, en Scandinavie. Cette fois-ci, je n'étais pas seule, et aux lieu de m'effrayer, la scène me fit rire !

Je ressortis de l'église. C'était un beau début d'après midi de printemps, le soleil commençait à réchauffer timidement la terre et ses rayons faisaient frémir mes ailes.
Je fis mes adieux au Bogie Beast en le remerciant pour tout ce qu'il venait de me montrer et je m'envolais en direction du Sud.

 

Quand le rêve rencontre le mythe

 

" Le visage d'Elrond était sans âge, ni jeune ni vieux,
bien qu'on y pût lire le souvenir de maintes choses
tant heureuses que tristes.
[...] ses yeux étaient du gris d'un soir clair,
et il y avait en eux une lumière semblable à celle des étoiles.
Il paraissait aussi vénérable qu'un roi couronné de maints hivers,
et pourtant aussi vigoureux qu'un guerrier "

John Ronald Reul Tolkien

 

Et j'arrivai à Oxford. Je souhaitais voir la ville de haut, mais fatiguée par le voyage, je demandais à une tourtelle de me prendre sur son dos et elle accepta de me faire visiter la ville. C'était superbe.

Alors que nous survolions un vieux bâtiment, je vis un jeune homme en sortir. Il était d'allure athlétique et avait une taille tout à fait normale. C'était un humain commme un autre, mais je ressentais quelque chose de particulier qui émanait de lui. Il venait d'entrer dans un parc, s'était assis sur un banc et avait sorti un carnet sur lequel il écrivait.

La tourterelle me déposa près de lui et je voletai jusqu'au dossier afin de lire par dessus son épaule. C'était beau : il écrivait une histoire d'amour. Tu ne peux pas ressentir ces choses là, mais il inventait des personnages, leur insufflait la vie par sa plume et les faisait s'aimer. C'était l'histoire d'un homme et d'une Elfe : Beren et Luthien, qui ne pouvait vivre leur passion car elle, était immortelle, et lui était humain. Ce qu'il écrivait m'ému au plus haut point et je mis à pleurer.

Une larme tomba sur sa main et il ressentit alors ma présence. Il se tourna vers moi, ses yeux s'ouvrirent en grand, une expression d'émerveillement apparut sur son visage, et il me dit en murmurant :

" - Si c'est un rêve, alors je souhaite ne jamais me réveiller "

Je lui souris et lui répondis : " Tends la main. " Je sautai dans sa paume qu'il venait d'ouvrir afin qu'il prenne conscience de ma réalité.

Il sembla me soupeser un instant et me demanda mon nom. Je voletais jusqu'à son épaule et m'appuyant au bord de son oreille, je lui murmurai :

" - Evascence...
- Que veux-tu ? me demanda-t-il
- Te connaître, toi et le monde que tu crées, parce que c'est magique de rencontrer des êtres comme toi et que je veux te faire part de mes rencontres, parce que c'est mon rôle et que je t'ai choisi. "

Il m'emmena chez lui et là, Ronald, car c'est ainsi qu'il s'appelait, me parla du monde qu'il venait d'inventer. Un terre inconnue nommée Eä, avec ses peuples, son histoire. En même temps qu'il me parlait, il me donna du lait dans un dé à coudre avec des biscuits au miel et tandis que je me régalais lui buvait son thé.

Nous continuâmes de discuter très tard dans la nuit : la lune allait se coucher et on pouvait l'observer, ronde, jaune comme les feuilles des anciens livres, et l'on distinguait certains de ses cratères.

" - J'aime observer la lune en me disant qu'au même instant quelqu'un la regarde également et pense la même chose que moi " , me dit-il d'un air rêveur.

Puis il me prépara un lit dans un plumier qu'il remplit de coton et me donnaun mouchoir en guise de drap.

Je restai chez Ronald des années, personne à part lui n'était au courant de ma présence. Il m'informait de l'avancée de ses ouvrages, et je lui racontais des anecdotes de voyage qu'il utilisait de temps à autre dans ses récits.

En 1937, il publia son premier roman, intitulé " Bilbo le Hobbit " . Cet ouvrage rencontra un grand succés et j'en fus très fière. Un vingtaine d'années plus tard, il décida de rédiger la suite de son épopée. J'aimais beaucoup ce qu'il écrivait car cela me rappelait mon propre voyage : il racontait en effet l'histoire d'une communauté qui effectue un périple dans des contrées reculées de leur monde, la Terre du Milieu, un des deux continents d'Eä, dans le but de le sauver d'un pouvoir maléfique qui voulait le gouverner. Ce qui me plut par dessus tout, c'est que ces personnages étaient de races différentes : ils devaient apprendre à se connaître, à vivre ensemble, et ils rencontraient beaucoup d'autres espèces au cours de leur odyssée.

Tout d'abord, il y a les Hobbits, comme Bilbo, Frodon, Merry ou Sam. Les Hobbits sont de petites tailles et mesurent entre 60 centiètresm et 1 mètre 20, d'où leur appellation de Semi-Hommes. On les reconnaît également à leur pieds velus et à leur embonpoint. Un Hobbit vit en moyenne 100 ans et aime à profiter du temps qui lui ait donné à vivre car il est joyeux, facétieux, sympathique. Le Hobbit est un bonhomme très casanier et il n'aime pas les aventures (mais son courage sait se révéler dans les pires situations).

Viennent ensuite les Elfes. Legolas, Arwen, Elrond ou Galadriel en sont les principaux représentants. Ce sont les plus belles des créatures. Ils mesurent 1 mètre 80 à 2 mètres, c'est un peuple fin et très gracieux mais aussi très résistant aux intempéries extrèmes de la nuit. Leur sens sont très developpés : ils voient et entendent beaucoup des choses hors de portée de simples humains, mais aussi des choses invisibles à nos yeux. Ce sont des êtres parfaits moralement et physiquement et ils sont immortels. Mais loin d'être arrogants et méprisant envers les autres, ils préfèrent se retirer dans la spiritualité et vivent donc cachés dans des forêts.

Les Nains forment un peuple trapu mesurant environ 1mètre 50, robuste et très résistant à la faim et à la douleur. Ils vivent près de 250 ans. C'est un peuple fier et très possessif vis-à-vis de toutes les substances issues de la terre comme les pierres et les joyaux, et qui vécut dans la profondeur des grottes de Khazad-Dûm puis des Montagnes Bleues. Ils n'oublient jamais un méfait ou une dette.

Ronald a également parlé de peuples qui ont beaucoup de répresentants, comme les Ents, des arbres qui parlent et se déplacent, ou encore les Maiars comme Gandalf par exemple : ce sont des magiciens chargés de protéger la Terre du Milieu. Malheureusement, certains ont été attirés par le mal et sont devenus mauvais comme Saroumane.

Les ennemis principaux des héros de son récit sont des Orcs qui sont une branche dégénérée des Elfes car ils ont été torturés physiquement et psychologiquement. Ils n'aiment qu'une chose : faire le mal, et haïssent tous les peuples y compris leur propre race, et leur propre personne.

Ma rencontre avec Ronald fut la plus mémorable de mon existence et lorsqu'il mourrut en 1973, j'en fus si attristée que je le pleurais durant des jours et des jours. Lorsque je récupérai un peu mes esprits, je me rendis compte que je n'avais plus aucune raison de rester à Oxford, et je pris alors la décision de rentrer en France, puis de m'établir à Brocéliande.

Je remontai la Tamise à bord d'une péniche jusqu'à la mer, et là je demandai à un groupe de mouettes qui voulaient s'installer Outre-Manche de me prendre avec elles pour la traversée. Elles me déposèrent à Saint-Malo et je regagnai Brocéliande à l'aide de deux biches, un cerf et pigeon.

La peine que m'avait causée la disparition de la Ronald m'affectait toujours et rentrer me fit du bien. "

 

Un raccourci vers les champignons

 

" Les fées nous endorment,
nous ouvrent les portes de leur royaume,
qui se referme sur nous sans qu'elles aient
pris la précaution de nous en remettre la clé. "
Jean Tétreau

 

Evanescence se tut et je la regardai avec de grands yeux émerveillés dans lesquels brillait l'admiration.

" - Le récit que tu viens d'entendre, Estelle, est un cadeau, reprit la fée. Il ne doit pas être oublié car il est notre histoire, l'histoire du Petit Peuple de toute l'Europe. Nous vivons à travers les contes, mais les hommes nous oublient peu à peu, et bientôt les hommes ne nous connaîtront plus, ou alors ils ne connaîtrons que certains d'entre nous. C'était mon cas avant que je parte en voyage, mais maintenant, j'ai compris nous sommes tous liés les uns aux autres. "

Evanescence fit apparaître une petite boîte nacrée qui reflétait toutes les couleurs de l'arc-en-ciel.

" - Cette boîte contient un petit peu du scintillement de chacun des lutins et des fées que j'ai rencontrés. Un jour, dans très longtemps, tu seras grand-mère et alors tu remettras cette boîte à ta petite fille, tu lui raconteras mon histoire qui ainsi perdurera. Tant que quelqu'un se rappellera de nous, nous continuerons à vivre. "

J'acquiesçai vivement et promis de toujours avoir une pensée pour Evanescence au lever du soleil, à ce moment où l'on ne dort plus vraiment, mais où l'on se rappelle avoir rêvé… La fée eut alors un rire clair et perlé, sauta d'un bond léger de ma main, battit plusieurs fois des ailes, claqua des doigts, et tout à coup, elle disparut, ne laissant derrière elle qu'une nuée de paillettes qui vinrent me piquer yeux d'Estelle.

Subitement fatiguée, je baillai et m'allongeai…

 

Retour au coin du feu

 

Chaque fois qu'un enfant dit : " Je ne crois pas aux fées " ,
il y a quelque part une petite fée qui meurt.
Peter Pan, James Barrie

 

" …lorsque je me réveillai, continua la grand-mère, je me frottai les yeux, mais Evanescence s'était bel et bien évaporée. Je regardai autour de moi, et je vis que je m'étais endormie sur un matelas de mousse au milieu d'un cercle de petits champignons. De grosses fraises juteuses et sucrées, que je ne me rappelais pas avoir cueillies, débordaient de mon panier posé à côté de moi. Je pensais avoir rêvé ce qui m'était arrivé, mais en glissant la main dans ma poche, je sentis la petite boîte que m'avait offert Evanescence. Je sus alors que ce n'était pas un rêve… "

La grand-mère se leva et fouilla dans la grande armoire de la salle. Elle sortit la boîte que Evanescence lui avait offert et la tendit à Eä.

" Tu l'offriras toi aussi à ta petite fille. Et n'oublies pas que cette histoire est un don ! Il faut que tu la transmettes au plus de monde possible, pour que le Petit Peuple et toute la Féerie restent dans les mémoires. "

***

Voilà, c'est fait : aujourd'hui, le 45ème jour du 3ème hiver du 3ème millènaire, j'ai fini de retranscrire ce que ma grand-mère me conta ce jour-là.
J'ai aujourd'hui à mon tour une petite fille, et bientôt je lui remettrai la boîte d'Evanescence.
En attendant, j'espère que vous aussi raconterez son histoire à vos proches, pour que jamais personne n'oublie les lutins et les fées.

Merci de m'avoir crue, merci d'être entré dans mon monde, celui de l'imaginaire, de la légende, le monde de l'invisible et de l'insaisissable, qui nous entoure, et que trop souvent nous oublions...

Adieu,

 

" Le conte est fini, je vais le replacer sous l'arbre où je l'ai trouvé et où quelqu'un viendra le reprendre... "